Critiques

Critiques d’Art

Déclaration, 2020, Michel Thévoz, ancien conservateur de la Collection de l’Art Brut

« L’oeuvre de Philippe Visson reste à découvrir. Il est de toute urgence de lui consacrer l’ouvrage et l’exposition qu’elle mérite. Son irruption représentera assurément un événement considérable dans le monde de l’art.

Visson pourrait être considéré comme un peintre intégral, engagé corps et âme dans une aventure artistique d’autant plus communicative qu’elle est surprenante. Formellement, il a élaboré un langage figuratif personnel, singulier, sismographique, en prise directe avec son inconscient corporel et psychique. Quant à ses sujets, qui, de la nature morte aux paysages mentaux, couvrent un champ considérable, Visson est dominé par la figure humaine, comme à la poursuite d’un autoportrait obsessionnel.

Il fallait que Visson travaillât dans l’isolement le plus total ; il est tout aussi nécessaire maintenant que cette oeuvre soit divulguée au public le plus large. »

Antiportrait de Michel Thévoz, 1988, acrylique sur pavatex, 120x80cm

Le visage ébranlé, 1972, René Berger, ancien directeur du Musée cantonal des Beaux-Arts du canton de Vaud et président d’honneur de l’Association internationale des critiques d’art

A première vue ces peintures intriguent, inquiètent; d’aucuns diront qu’elles rebutent. C’est qu’on n’aime guère voir les traits de l’homme ainsi malmenés, le tourment aussi ostensible. L’expressionnisme nous a pourtant familiarisés depuis longtemps avec les déformations. Mais, chez Visson, ce n’est pas de déformations qu’il s’agit. L’image à répétition qui sort de son pinceau ignore d’entrée de jeu le miroir dans lequel nous ajustons nos formes. Failles, lézardes, cheveux-salves, notre sauvagerie s’avoue hors de tout apprêt. Mais n’est-ce pas celle qu’on devine dans les journaux, à l’écran de télévision, et qu’on ne voit jamais ?

« Moderne sauvagerie des primitifs que nous sommes »

Sans titre, 1971, acrylique sur bois aggloméré, 146x81cm

Prémisses et Promesses, 1961, Marcel Brion, de l’Académie française

« Un tempérament passionné, énergique et mouvant. Un caractère inquiet. Une résolution peut-être inconsciente, mais chargée d’une forte intensité de volonté, de ne tenir aucun compte de « ce qui se fait », pas plus pour le contredire que pour y souscrire. Voilà ce qui frappa, il y a treize ans déjà, ceux qui ont vu les premières peintures de Philippe Visson et ce qui nous a persuadés de ce que ce très jeune garçon allait devenir – était, en fait – un artiste important.

Sa culture qui est vaste et diverse ne l’a pas alourdi ni encombré du « déjà vu ». Une sincérité sans ombres, une originalité sûre de ses voies, à l’âge où l’on se cherche, déterminait d’avance les chemins qu’il choisirait. A peine peut-on, cependant, parler de choix, tant tout ce qui constitue la personnalité de Philippe Visson, est commandé par une rigoureuse nécessité intérieure à laquelle, le voudrait-il même, son être profond l’empêcherait de se soustraire.

D’instinct il a reconnu en lui une nature très proche de celle des expressionnistes allemands, qu’il n’avait pas vus. Parce que tout en lui, le sens de la forme, la couleur, la dramaturgie du sujet, montrait qu’il était d’une famille d’êtres apparentée à la leur.

Le mélange de sévère rigueur et d’impulsions fougueuses qui modelait sa sensibilité et son intelligence traçait en lignes que l’on ne peut méconnaître la courbe de son destin de peintre. Si jamais destin fut imposé et dirigé par ce qu’il y a de plus unique en chacun, le sien le fut peut-être plus que celui de quiconque. Avec ce sens de l’absolu, de la totale offrande de soi à son art, Philippe Visson a abordé, avec une magnifique témérité et avec cet aveuglement de celui qui doit marcher devant le rayon de son étoile de hautes et difficiles expériences. Sans craindre le feu, et parce qu’il est feu, il est allé au-devant du feu. La sécurité des inspirés et des poètes, la certitude de qui se sent peintre et éminemment peintre, ne l’abandonneront jamais : même s’il les rencontre dans les ténébreux couloirs de l’angoisse. »

Marsha Fuller, fiancée d'Ahmed, 1960, huile sur toile, 127x64cm