Prémisses et Promesses, 1961, Marcel Brion, de l’Académie française
« Un tempérament passionné, énergique et mouvant. Un caractère inquiet. Une résolution peut-être inconsciente, mais chargée d’une forte intensité de volonté, de ne tenir aucun compte de « ce qui se fait », pas plus pour le contredire que pour y souscrire. Voilà ce qui frappa, il y a treize ans déjà, ceux qui ont vu les premières peintures de Philippe Visson et ce qui nous a persuadés de ce que ce très jeune garçon allait devenir – était, en fait – un artiste important.
Sa culture qui est vaste et diverse ne l’a pas alourdi ni encombré du « déjà vu ». Une sincérité sans ombres, une originalité sûre de ses voies, à l’âge où l’on se cherche, déterminait d’avance les chemins qu’il choisirait. A peine peut-on, cependant, parler de choix, tant tout ce qui constitue la personnalité de Philippe Visson, est commandé par une rigoureuse nécessité intérieure à laquelle, le voudrait-il même, son être profond l’empêcherait de se soustraire.
D’instinct il a reconnu en lui une nature très proche de celle des expressionnistes allemands, qu’il n’avait pas vus. Parce que tout en lui, le sens de la forme, la couleur, la dramaturgie du sujet, montrait qu’il était d’une famille d’êtres apparentée à la leur.
Le mélange de sévère rigueur et d’impulsions fougueuses qui modelait sa sensibilité et son intelligence traçait en lignes que l’on ne peut méconnaître la courbe de son destin de peintre. Si jamais destin fut imposé et dirigé par ce qu’il y a de plus unique en chacun, le sien le fut peut-être plus que celui de quiconque. Avec ce sens de l’absolu, de la totale offrande de soi à son art, Philippe Visson a abordé, avec une magnifique témérité et avec cet aveuglement de celui qui doit marcher devant le rayon de son étoile de hautes et difficiles expériences. Sans craindre le feu, et parce qu’il est feu, il est allé au-devant du feu. La sécurité des inspirés et des poètes, la certitude de qui se sent peintre et éminemment peintre, ne l’abandonneront jamais : même s’il les rencontre dans les ténébreux couloirs de l’angoisse. »